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Il n'y a pas de son vert ! (Pour une écologie sonore profonde)

Publié le 7 Janvier 2011 par beau bruit in Réflexions

Il n'y a pas de son vert !

(Pour une écologie sonore profonde)

 

La notion d'écologie sonore devient tendance. Pourtant, comme du développement durable à la décroissance, il y a, dans le domaine sonore également, plusieurs niveaux de critique écologique.

 

1er niveau : On ne parle pas de son, mais de bruit, toujours comme synonyme de nuisance. Solutions : palliation et répression. On installe des double-vitrages aux fenêtres, on construit des murs anti-bruit, on se met des bouchons (ou des écouteurs) dans les oreilles, on condamne le tapage nocturne et les volumes sonores excessifs dans les salles de concert... Ça correspond à 99% de la politique publique de ces quarante dernières années, ça crée de l'industrie et des taxes, ça produit du plastique, ça augmente l'individualisme et le retranchement social.

 

2e niveau : On évite de parler de bruit (notion péjorative), on parle d'environnement sonore (notion objective). Pour le mesurer, on évoque des critères non plus seulement quantitatifs, mais aussi qualitatifs. Le bruit des uns est (parfois) la musique des autres, et vice versa. On invoque un relativisme socio-culturel. On fait appel à des artistes pour créer des balades sonores afin d'apprendre à vivre avec le bruit de l'échangeur, à des designers pour (finalement ?) donner à la voiture électrique un son de moteur à explosion.

 

3e niveau : On se met à considérer le son du ventilateur de votre ordinateur ou de la clim de votre bureau que vous n'entendez même plus mais qui vous abrutissent toute la journée et que vous retrouvez dans votre habitation, celui du parc éolien à 500 mètres de chez vous qui vous vend de l'électricité propre. On apprend que la pollution acoustique est bien pire là où on ne met jamais les oreilles : sous la mer, où les sonars, les moteurs des transporteurs, les forages pétroliers, brouillent les communications entre cétacés, indispensables à leur reproduction. On émet l'hypothèse qu'entre les intensités assourdissantes des concerts ou des baladeurs et la médiocrité des contenus musicaux dominants, il y a un certain lien. Et on découvre que tous ces bruits, tous ces sons dont l'abus est toxique pour l'homme et la nature, ont une origine, une logique économique commune, qui est celle du capitalisme.

 

Pourtant jamais on ne dit que la solution au bruit de l'aéroport, ce n'est peut-être pas de protéger les riverains par un arsenal d'isolation high tech, ou même de bâtir la zone pavillonnaire un peu plus loin, mais que c'est peut-être de ne pas construire l'aéroport du tout. Des tambours de guerre au canon sonique en passant par le répulsif anti-jeunes, on oublie que le son est aussi un instrument de terreur et de contrôle. Ne serait-il pas temps, enfin, que l'écologie sonore – une notion créée par un musicien, un poète (R. Murray Schafer, “Acoustic ecology”), et adaptée depuis à toutes les sauces – prenne un sens profondément politique ?

 

É. N.

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J
<br /> <br /> et la suite?<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> :-)<br /> <br /> <br /> <br />
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B
<br /> <br /> "et la suite ?" tu veux dire "et l'action ?" et bien... tout part de ce constat et il faut choisir son positionnement. En tant que "producteur de son" fatalement susceptible de rajouter à la<br /> médiocrité ambiante, je me pose tout le temps cette question, et les réponses se différencient selon les projets. Quant à écrire là-dessus, il faut encore un peu de temps de pratique !...<br /> <br /> <br /> <br />