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Écoutons-nous

Publié le 18 Juillet 2014 par beau bruit dans Réflexions

Ce 18 juillet, la Journée Mondiale de l'Écoute 2014 s'inscrit sous le thème "Écoutez-vous !"

Mais que signifie "s'écouter" ?

Écoutons-nous
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L'esprit de l'Estuaire et autres inventions du Centre de Découverte du Son

Publié le 3 Août 2012 par beau bruit dans Réflexions

C'est fin mars 2012 que Télérama.fr a lancé un Blog de la création sonore où j'ai le plaisir d'écrire régulièrement. Pour moi c'est à chaque fois l'occasion de présenter une pièce sonore dans laquelle le “son du réel” joue un rôle primordial, et de mettre en valeur un.e artiste sensible aux phénomènes acoustiques qui l'entourent. Ma dernière chronique en date tourne autour de quelques productions issues du projet du Centre de Découverte du Son de Cavan. J'avais déjà eu l'occasion de présenter ce lieu pionnier ici-même :

 

La visite du Centre de Découverte du Son de Cavan (Côtes d'Armor) a montré la réussite de l'intégration en milieu rural semi-naturel d'un projet pédagogique et touristique voué à une certaine idée de l'écologie sonore. À côté du Jardin sonifère, œuvre très inventive bien que pour le moins paysagiste, le Sentier musical offre (et c'est vraiment un cadeau !) une immersion dans une nature magnifique, en l'occurrence un vallon forestier garni de granite et de végétaux de toutes sortes, au fond duquel court une petite rivière. L'aspect didactique de cet éveil à l'écoute est savamment dosé et sait s'effacer jusqu'à totalement pour laisser libre cours à la contemplation, à la rêverie et à l'interprétation, par chacun, des installations sonnantes et des espaces sonores. Ouvert depuis bientôt 15 ans, le Centre de Découverte du Son est un work-in-progress qui s'adapte au gré des usages des visiteurs mêmes. [lire l'entièreté du billet]

 

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Les “cuicas” arboricoles de Cavan. Génial ! Photo : C. Prunneaux

 

Mais les esprits frappeurs du Centre de Découverte du Son ne sont pas seulement des bidouilleurs ingénieux et des recycleurs fous. Leur savoir-faire sonore s'entend également dans de ce qu'on pourrait appeler des “mises en scène enregistrées” dans lesquelles une écoute très pointilleuse de l'environnement inspire des situations de jeu acoustique :

 

Dans la première plage (c’est le cas de le dire), le flûtiste Jean-Michel Veillon dialogue avec le ressac sur les galets de Brestan, une grève sauvage au nord de Tréguier. Dans la deuxième, le comédien Julien Simon profère un texte ancien dans la petite baie de Pommelin, près de Lézardrieux. “Estuaire signifie... marée !” : lancés comme des bouteilles à la mer, les mots répercutés par l’écho éclatent et résonnent dans toutes leurs couleurs sonores. Et ainsi de suite au fil du CD Géosonorités diversifiées, pour lequel c’est toujours l’acoustique du site naturel ou la sonorité des éléments qui ont construit la diction, le thème musical, la place de l’acteur et bien sûr celle du preneur de son. Entre poésie concrète et écologie sonore. [lire l'entièreté de la chronique sur Télérama.fr]

 

Étienne Noiseau.

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L'acouphène de Rousseau

Publié le 22 Décembre 2011 par beau bruit dans Réflexions

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“Un matin que je n’étais pas plus mal qu’à l’ordinaire, en dressant une petite table sur son pied, je sentis dans tout mon corps une révolution subite et presque inconcevable. Je ne saurais mieux la comparer qu’à une espèce de tempête qui s’éleva dans mon sang et gagna dans l’instant tous mes membres. Mes artères se mirent à battre d’une si grande force, que non seulement je sentais leur battement, mais que je l’entendais même, et surtout celui des carotides. Un grand bruit d’oreilles se joignit à cela, et ce bruit était triple ou plutôt quadruple, savoir : un bourdonnement grave et sourd, un murmure plus clair comme d’une eau courante, un sifflement très aigu, et le battement que je viens de dire, et dont je pouvais aisément compter les coups sans me tâter le pouls ni toucher mon corps de mes mains. Ce bruit interne était si grand, qu’il m’ôta la finesse d’ouïe que j’avais auparavant, et me rendit non tout à fait sourd, mais dur d’oreille, comme je le suis depuis ce temps-là.


On peut juger de ma surprise et de mon effroi. Je me crus mort ; je me mis au lit : le médecin fut appelé ; je lui contai mon cas en frémissant, et le jugeant sans remède. Je crois qu’il en pensa de même ; mais il fit son métier. Il m’enfila de longs raisonnements où je ne compris rien du tout ; puis, en conséquence de sa sublime théorie, il commença in anima vili la cure expérimentale qu’il lui plut de tenter. Elle était si pénible, si dégoûtante et opérait si peu, que je m’en lassai bientôt ; et au bout de quelques semaines, voyant que je n’étais ni mieux ni pis, je quittai le lit et repris ma vie ordinaire avec mon battement d’artères et mes bourdonnements, qui depuis ce temps-là, c’est-à-dire depuis trente ans, ne m’ont pas quitté une minute.


J’avais été jusqu’alors grand dormeur. La totale privation du sommeil qui se joignit à tous ces symptômes, et qui les a constamment accompagnés jusqu’ici, acheva de me persuader qu’il me restait peu de temps à vivre. Cette persuasion me tranquillisa pour un temps sur le soin de guérir. Ne pouvant prolonger ma vie, je résolus de tirer du peu qu’il m’en restait tout le parti qu’il m’était possible ; et cela se pouvait par une singulière faveur de la nature, qui, dans un état si funeste, m’exemptait des douleurs qu’il semblait devoir m’attirer. J’étais importuné de ce bruit, mais je n’en souffrais pas : il n’était accompagné d’aucune autre incommodité habituelle que de l’insomnie durant les nuits, et en tout temps d’une courte haleine qui n’allait pas jusqu’à l’asthme, et ne se faisait sentir que quand je voulais courir ou agir un peu fortement.


Cet accident, qui devait tuer mon corps, ne tua que mes passions ; et j’en bénis le ciel chaque jour, par l’heureux effet qu’il produisit sur mon âme. Je puis bien dire que je ne commençai de vivre que quand je me regardai comme un homme mort.”


Jean-Jacques Rousseau Les Confessions (1765). Tête de Rousseau par Hélène Guastalla (1960).

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Soundspace, notes et questions

Publié le 11 Juillet 2011 par beau bruit dans Réflexions

Soundspace : Espaces, expériences et politiques du sonore fut, du 4 au 8 juillet 2011, une école thématique CNRS à Roscoff dans le Finistère. Des chercheurs de nombreuses disciplines et domaines d'étude –géographie sociale, architecture, urbanisme, sociologie, anthropologie, acoustique, arts du spectacle...–, quelques artistes et acteurs culturels, des gens tous très impliqués voire passionnés par leur sujet. Des présentations de recherches, des exercices pratiques et des discussions informelles qui ont alimenté et prolongé les réflexions. Ce billet n'en est pas un compte-rendu, mais plutôt un autre de ses prolongements subjectifs.

 

Roscoff, 5 juillet, vers 8h20.  

Ressac sur la jetée derrière l'hôtel Ibis.

Drone oscillant et grave d'un moteur de chalutier lointain.

 

« Soundspace » n'est pas « soundscape » (Claire Guiu). Plusieurs discussions ont révélé la nécessité de cesser de parler de « paysage sonore » (soundscape), notion jugée ambiguë voire simplement inopérante. Forgée par le compositeur Raymond Murray Schafer et s'étant largement répandue dans la sphère artistique, elle a récemment infiltré le vocabulaire de la recherche en architecture, urbanisme, géographie... sans que sa définition ne se précise de façon satisfaisante. N'y a-t-il pas à la base un paradoxe à associer son et paysage ? La notion commune de paysage hérite de la représentation picturale et plus généralement visuelle, dans laquelle cadrage et distanciation sont les conditions de l'analyse. Or non seulement on ne peut pas cadrer les sons (l'écoute naturelle et a fortiori le microphone, s'ils concentrent et hiérarchisent, ne créent pas de zone de non-son), mais il est difficile de s'en distancier et on ne peut jamais s'en extraire (le son possède un aspect tactile et enveloppant). On n'écoute pas un paysage, on baigne dans un environnement sonore. En outre, le concept de paysage suggère la position maîtresse de l'Homme souhaitant dompter et façonner la Nature à son image, un concept aujourd'hui dépassé. La musicalisation, le design sonore, conduisent souvent à l'uniformisation, à la perte de diversité des espaces sonores. Comme en cinéma (Daniel Deshays), l'épure et le principe de précaution pourraient davantage être des voies à suivre.

 

Roscoff, 6 juillet, 7h59.

Pour écouter la ville se réveiller depuis l'estacade (même si le vent ne nous en laisse peu percevoir).  

Pour le plaisir de poser un son là. 

 

La visite du Centre de Découverte du Son de Cavan (Côtes d'Armor) a montré la réussite de l'intégration en milieu rural semi-naturel d'un projet pédagogique et touristique voué à une certaine idée de l'écologie sonore. À côté du Jardin sonifère, œuvre très inventive bien que pour le moins paysagiste, le Sentier musical offre (et c'est vraiment un cadeau !) une immersion dans une nature magnifique, en l'occurrence un vallon forestier garni de granite et de végétaux de toutes sortes, au fond duquel court une petite rivière. L'aspect didactique de cet éveil à l'écoute est savamment dosé et sait s'effacer jusqu'à totalement pour laisser libre cours à la contemplation, à la rêverie et à l'interprétation, par chacun, des installations sonnantes et des espaces sonores. Ouvert depuis bientôt 15 ans, le Centre de Découverte du Son est un work-in-progress qui s'adapte au gré des usages des visiteurs mêmes (Guy-Noël Ollivier, Jérôme Hamelin).

 

Cavan, après-midi du 7 juillet. Deux exercices de variation de points d'écoute :

Performance musicale sur des sortes de cymbalums (trois performeurs, trois enregistrements synchrones mixés alternativement).

Conversation à propos de la teurgoule (dessert breton normand !) en utilisant un téléphone souterrain.

 

A contrario, le champ du sonore se trouve de plus en plus investi par des opérations de patrimonialisation et de muséification, phénomènes dans l'air du temps qui tendent à figer les choses dans une représentation univoque (Delphine Chambolle). La patrimonialisation sert des fins politiques identitaires, car le patrimoine est une notion institutionnelle, découle d'une décision politique (Abdelmajid Arrif) et s'oppose à la culture vivante. Là encore, la nature même du son pose des problèmes de sens. Le son, se jouant éternellement au présent, peut-il être conservé ? Prenons l'exemple de la cloche d'église –les inventaires campanaires sont déjà répandus. Ce qui fait patrimoine, ce qu'il faudrait archiver et conserver, est-ce la cloche (l'objet) ou le son de la cloche ? Ce dernier circonscrit-il un territoire (celui de la paroisse) ou relie-t-il plusieurs espaces entre eux ? Dans quel(s) espace(s) le « son de cloche patrimonial » résonne-t-il donc ?

 

Roscoff, 6 juillet, 8h30 (?).

Place de l'église Notre-Dame de Croaz-Batz.

Dans la ville immobile, le passage d'un scooter semble réveiller l'espace.

 

La notion de territoire, chère à nos politiques, implique l'existence de frontières ou de limites, concepts de nouveau peu applicables au domaine sonore. Dans l'espace sonore partagé, l'espace public par exemple, l'émission de son relève de la privatisation d'une partie de l'espace. Là commence la gêne, se définit la nuisance, relativement, subjectivement. Pour les gens qui participent à la conception des espaces, l'enjeu serait de passer de la ville bruyante (et isolante) à la ville sonnante (Olivier Balaÿ). Et pour ceux qui participent à la production des émissions sonores –chacun de nous est un faiseur de bruit (Henry Torgue)–, a fortiori les diffuseurs, designers sonores, artistes... quel enjeu se pose à eux ?

 

Étienne Noiseau.

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Le “sodcasting” ou idiodiffusion

Publié le 18 Juin 2011 par beau bruit dans Réflexions

[Article paru dans Syntone aujourd'hui]


C'est grâce au blog Mediateletipos que nous apprenons l'existence du réjouissant néologisme sodcasting ~ qu'on pourrait traduire (en restant poli) par idiodiffusion ~ qui désigne les comportements adolescents consistant à diffuser de la musique dans l'espace public via leurs téléphones mobiles. En particulier, ce sont les Britanniques qui s'interrogent beaucoup sur les raisons d'un tel comportement, dans le but de parer ce qui en quelques années est devenu, à leurs oreilles, un vrai problème de société. Plusieurs aspects soulèvent la colère des usagers des transports notamment : le type de musique, la qualité médiocre du son et le volume sonore contribuent à générer un sentiment d'agression. Quant aux motivations de ces ados, elles sont souvent innocentes et pas très surprenantes. Pour eux, il s'agit de marquer leur appartenance à un groupe et de se construire un territoire commun qui soit aussi une bulle protectrice. Si certaines voix du côté des pouvoirs publics souhaitent agir par la loi, d'autres songent que la seule solution pourrait être l'éducation à l'écoute.

 

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